jeudi 30 janvier 2020

Critique de AD ASTRA (2019) de James Gray



 💡 À savoir :

Pour réaliser ce film, James Gray (La nuit nous appartient) a voulu s’inspirer des recherches du lauréat du Prix Nobel de Physique Enrico Fermi qui ont servi de modèles pour l’exploitation de l’énergie nucléaire. Ce physicien pensait alors qu’une énorme catastrophe se produirait lors de la première fission nucléaire. James, à la fois angoissé et fasciné par ces énormes doutes sur l’avenir de l’humanité, a donc souhaité les retranscrire à l’écran, tout en déclarant s’être référé au livre de Joseph Conrad, “Au cœur des ténèbres”, ainsi qu’au grand classique Apocalypse Now.

James Gray signe ici son premier long-métrage de science-fiction. Plutôt habitué aux drames (Two lovers) et aux films de gangsters (Little Odessa) en temps normal, il sort maintenant de sa zone de confort et ne cache pas les craintes qu’il a pu avoir en se lançant dans un telle entreprise. Car au final, il effectue son baptême dans le genre fantastique qui lui était encore complètement inconnu jusqu'alors.

Le titre “AD ASTRA” signifie “Vers les étoiles” en latin (et c’est son titre en québécois). En fait, c’est un raccourci de la formule “Ad Astra per Aspera” qui veut dire “vers les étoiles, à travers la difficulté”.

Afin de nous faire vivre ce périple, nous pouvons compter sur l’excellent Brad Pitt (Fight Club) pour interpréter Roy McBride, un astronaute déprimé, névrosé, et horriblement seul. Néanmoins, sur son chemin il croisera brièvement la route de l’illustre Donald Sutherland (Hunger Games) en tant que le solennel colonel Tom Pruitt. De plus, il devra supporter l’équipage du vaisseau Cepheus destiné à l’amener à bon port, comptant entre autres un Jamie Kennedy (Le fils du Mask) méconnaissable, incarnant le sergent Peter Bello, et un Loren Dean (Bienvenue à Gattaca) sous les traits du craintif Donald Stanford.  Il rencontrera Ruth Negga (The Preacher) qui joue Helen Lantos et qui l’aidera à éclaircir sa quête jusqu’à l’autre bout de notre galaxie. Liv Tyler (Le seigneur des anneaux) fait quelques apparitions pour personnifier l’ex-femme de Roy, Eve McBride qui donne vie à ses souvenirs mélancoliques. Enfin, il y a évidemment le légendaire Tommy Lee Jones (Men In Black) dans le rôle du père de Roy, Clifford McBride.

Cette aventure métaphysique sonne les retrouvailles de Brad Pitt et Ruth Negga, la docteure de l’OMS à qui il donnait déjà la réplique dans l'invasion de zombies World War Z il y a 6 ans. Nous assistons aussi à la réunion de Donald Sutherland, Tommy Lee Jones et Loren Dean, 19 ans après avoir tous les trois comptés parmi le casting d’une autre excursion spatiale au cinéma : Space Cowboys de (et avec) Clint Eastwood. D’ailleurs, au cours de Ad Astra, Tommy Lee Jones est montré sur une vieille photo vêtu d'une combinaison orange (visible en regardant la bande-annonce), et il se trouve que c’est une image provenant de ce fameux Space Cowboys sorti en 2000. Or, il était très tentant de faire le lien entre les deux longs-métrages, et à juste titre, puisque dans le premier nous pouvions voir un Tommy Lee qui restait perdu dans l’espace pour un ultime sacrifice héroïque à la fin, et ici nous apprenons dès le début que son personnage est également disparu dans le cosmos depuis 16 ans. Beaucoup de grosses coincidences faciles à recouper, mais cette théorie d’un univers partagé fut très vite contredite catégoriquement par James Gray.

Je serais vous, j'éviterais de regarder en bas.

📖 L’histoire :

L’intrigue de Ad Astra se déroule dans un futur proche. L’ingénieur et astronaute émérite de la NASA, Major Roy McBride s’occupe de la maintenance d’une antenne de près de 30 kilomètres de hauteur. Travaillant près du sommet, il arrive à survivre in extremis à la destruction accidentelle de la tour.

Suite à cette introduction vertigineuse, lors d’une réunion des plus secrètes à laquelle Roy est convié, nous apprenons que cet accident était dû à une surcharge électrique venue de Neptune, et qu'elle fut tout autant destructrice sur la terre ferme. Mais le pire reste à venir étant donné que ces impulsions indéterminées restent imprévisibles et totalement incontrôlables.

Place à la révélation qui fera basculer Roy dans un questionnement incessant : son père Clifford qu’il pensait définitivement disparu aux confins de la galaxie, après avoir été le capitaine chargé d’une mission d’exploration galactique, n’est peut-être pas si mort que ça finalement. Responsable du “projet LIMA” destiné à rechercher une potentielle vie extraterrestre, il avait établi une base près de Neptune et n’a plus jamais donné de nouvelles depuis 16 ans. Présumé mort, il devient alors l'unique piste sur cette affaire, et est directement suspecté d’avoir un lien éventuel avec ces surcharges inexplicables terriblement dangereuses pour l’avenir du notre planète.

Le Major Roy n’hésite pas une seconde à accepter cette tâche de partir traquer son paternel. Ces pérégrinations intersidérales vont le mener de la Terre jusqu’à Neptune, en passant par la Lune et Mars.

Durant ses différentes escales, les péripéties de notre astronaute solitaire, nous font aller aux devants de graves dangers et, hélas pour lui, ce ne sont pas les compagnons avec qui il devra partager son parcours qui vont l’aider, même bien au contraire.

Pour arriver à destination et enfin découvrir la vérité sur son géniteur, il devra affronter de difficiles épreuves inattendues. Arrivera-t-il à les surmonter et à trouver le courage pour vaincre la solitude dans laquelle il s'enferme et s'enfonce continuellement? Pourra-t-il trouver la force de parcourir ces 4 milliards de kilomètres sur la piste de son patriarche oublié?

C'est un petit pas pour l'homme, une course poursuite effrénée en rover lunaire pour l'humanité.

📹 Réalisation / mise en scène :

Visuellement, il faut bien reconnaître que ce Ad Astra est vraiment à la pointe de ce que l'on a pu voir en 2019. L’esthétique générale est généreuse et fait véritablement plaisir à voir tant cela paraît grandiose et dantesque, tout en arrivant à rester subtilement réaliste et cohérent. Ce point là est parfaitement maîtrisé, et il est toujours bon de le souligner.

En effet, le récit est censé se passer dans un futur pas si lointain, et pourtant l'ensemble de la direction artistique paraît admirablement crédible. Nous pouvons saluer les consignes pertinentes de James Gray qui demanda à ce que les costumes ne ressemblent surtout pas à des "déguisements", ajoutant toujours plus de réalisme.

De la Lune entièrement colonisée par les humains de la pire manière, aux différents modèles de vaisseaux, jusqu’aux combinaisons spatiales, il n’y a rien qui dénote réellement à l’œil. Ces aspects légèrement futuristes semblent tellement rationnels et plausibles que l’on oublierait presque que cela ne se déroule pas durant notre époque contemporaine.

Le dépaysement est absolu, et assez effroyable tellement l’environnement paraît hostile à l’homme. Effectivement, les décors utilisés pour représenter les surfaces des différentes planètes, sont transposés directement depuis des paysages / deserts naturels, et cela renforce grandement l’immersion interplanétaire. Se passer le plus possible du “tout numérique” est souvent très bénéfique pour l’oeuvre dès lors que cela ajoute de l'authenticité.

Petite mention spéciale pour la direction sonore qui achève de nous immerger intégralement dans ce vide radical et sans pitié.

Les acteurs font tous corps avec leur personnage, de ce côté là encore, le casting fait assurément des étincelles.

Les scènes d’action sont trépidantes et sensationnelles, réalisées de manière magistrale. la tension est palpable et il serait impossible de rester stoïque face à ces nombreuses complications imprévues. Les effets spéciaux sont impeccables et franchement renversants. 

Cette réalisation reste extrêmement sérieuse et sobre, aucune trace d’humour dans cet exercice de survie. En revanche, il en ressort beaucoup de sentiments et de messages profonds sur notre condition humaine, sur les mystères de l'espace infini, sur les relations familiales, sur l’amour, ou encore sur la solitude.

Par contre, il est à noter que le rythme de la narration n’est pas forcément aussi bien mis en place que le reste. De fait, sur les 2 heures de durée, entre les moments contemplatifs époustouflants, les flashbacks disséminés tout du long ralentissant l'avancement de l'histoire, et les passages d’un immense suspense insoutenable qui refont passer à la vitesse supérieure, le découpage des séquences s'avère irrégulier. Il pourra en décontenancer plus d’un, et c’est fort compréhensible. Malgré cela, la voix-off de Roy nous aide à garder les enjeux en tête en permanence, tout en nous permettant de nous identifier au protagoniste et à son isolement volontaire.

Plus proche de la science que de la fiction, l'intégralité du déroulement de cette odyssée interstellaire se laisse suivre assidûment, jusqu’à arriver à son dénouement final qui divisera obligatoirement de par son parti pris hors du commun. James Gray a fait un choix plutôt engagé quant au message qu’il veut faire passer, nous ne le jugerons pas ici, mais nous pouvons comprendre que les questions soulevées, comme les réponses apportées, puissent être relativement clivantes et ne feront pas l'unanimité.

Dans l'espace personne ne vous entendra crier, car on a tout bien insonorisé!

 💛 Impression générale :

Voyage astral de haute volée, Ad Astra est une épopée monumentale et mémorable. Entre le méga blockbuster épique, et le film d'auteur intimiste, il n'y aura pas de jaloux.

Servi par des acteurs de qualité, des effets spéciaux bluffants de réalisme, des visions cosmiques splendides, mêlées à la dangerosité de cet environnement si mortel, nous vivons cette quête initiatique à fond, accompagnés par l'amertume et les incertitudes de notre héros.

Pour un budget respectable de 90 millions de dollars représentant quasiment la moitié des budgets habituels pour une telle grosse production américaine, il n'en aura rapporté malheureusement "que" 127 millions de dollars au total, ce qui reste loin de crever l'écran. Dommage car cela fait un petit coup dur pour la jeune société de production que Brad Pitt dirige, Plan B, qui aurait bien aimé se faire une place au soleil mais qui n'arrive apparemment pas à décrocher la Lune.

Quand il voyage jusqu'à Mars, qu'il me parle en voix OFF, je vois la vie en rouuuuge!

🏆 Notes parmi l'équipe :

Damien

Christophe

Olivier

Jacques



Critique rédigée par Damien